Pendant des années, Daniel Schaerer a exercé d’importantes responsabilités dans l’association “Jeunesse En Mission”. Comme coordinateur des activités de JEM dans les pays francophones, il a parcouru le monde. Avec Maguy, son épouse, il gardait ses racines dans un petit village français du midi: Saint Paul Trois Châteaux. Il nous raconte comment, il y a huit ans, sa vision de l’Église s’est transformée à la lecture d’un livre de Ralph Neighbor (1) sur l’Église Cellulaire. Au regard des aspirations et des besoins, Daniel et Maguy sont entrés dans ce nouveau champ de mission en y consacrant toutes leurs forces.
Il nous raconte cette aventure: “Ma femme et moi avons été conduits à ouvrir notre foyer. Une première cellule s’est constituée et elle a donné assez vite naissance à une deuxième puis à une troisième. Aujourd’hui, il y en a une quinzaine dans le Tricastin. Le processus est soutenu par deux églises: une église réformée et une église évangélique. Nous avons un groupe d’animateurs qui compte une vingtaine de personnes, toutes engagées comme responsables ou coresponsables d’une cellule. Nous les accompagnons, ma femme et moi.
Les cellules comprennent de huit à douze personnes. Elles se réunissent toutes les semaines chez un des participants.
Périodiquement, deux à trois fois par trimestre, on essaiera d’inviter les voisins et de faire quelque chose d’un peu spécial pour eux. Tout se passe très simplement. Les rencontres commencent toujours par un moment d’échange convivial autour d’une tasse de café. Il y a ensuite un moment de louange. Le partage biblique porte sur une question et se déroule d’une façon interactive. Il y a ensuite la prière les uns pour les autres, pour les voisins ou les personnes qui en ont besoin.
Cette dynamique d’église se vit sept jours sur sept. Les responsables de groupes accompagnent les membres de leur cellule au quotidien: téléphone, visites etc. Récemment, les responsables d’un groupe se réunissaient auprès d’une personne avant son départ pour l’hôpital afin de prier pour elle. Les cellules regroupent des personnes d’origines et de parcours différents. Plus de la moitié ne fréquentaient aucune église auparavant.
Cette dynamique concerne également les enfants et les jeunes. Il y a plusieurs cellules à leur intention. Ma fille, âgée de quatorze ans, est responsable, depuis 3 ans, de l’une d’entre elles. Ce groupe qui rassemble des enfants de huit à onze ans, a doublé pendant deux ans de suite. Un bon nombre de ces enfants viennent de familles qui n’ont aucune pratique religieuse.”
Daniel et Maguy Schaerer se sont engagés dans le développement de la dynamique cellulaire en France. Ces églises se multiplient dans d’autres parties du monde, en Asie ou en Amérique latine. Au Brésil, par exemple elles sont plus de quatre mille!
En France, deux cas de figure se présentent:
d’une part, des églises de configuration classique (paroissiale) qui désirent intégrer une dynamique cellulaire, d’autre part, des groupes de maisons qui se développent indépendamment de toute structure et finissent par constituer des églises nouvelles. L’expérience rapportée par Daniel appartient à la première catégorie. Il souhaite aider des églises de configuration paroissiale à s’engager dans cette direction. Mais il reconnaît que c’est difficile parce que les mentalités sont souvent figées qu’il s’agisse d’églises évangéliques, catholiques ou protestantes.
Pour réussir, il faut réunir certaines conditions:
“Tout d’abord, les responsables de l’église doivent s’engager eux-mêmes. C’est eux qui doivent être le “moteur” de la dynamique cellulaire. Pas question que les groupes de maisons soient un programme de plus que l’on rajoute au menu déjà chargé de la vie de l’église. Il faut qu’il y ait une mutation profonde de la vision, que les responsables comprennent que la vie de l’église n’est pas d’abord ce qui se passe dans ses locaux mais de tout ce qui se vit en dehors de ses murs. Désormais, ils vont tout mettre en œuvre pour “que vivent les groupes de maisons” (2).
Les groupes par ailleurs ne doivent pas assurer une reproduction du culte dominical. Ils doivent être tournés vers le voisinage et s’engager radicalement dans le partage de l’Évangile”. Finalement, les responsables des groupes ne doivent pas essayer de jouer les prédicateurs. Il faut surtout qu’ils sachent accueillir les nouveaux venus, les mettre à l’aise et aider chacun à s’exprimer.”
Alors pourquoi cette mutation aujourd’hui?
La première raison est d’ordre théologique. “À l’époque de l’institutionnalisation de la foi chrétienne sous l’empereur Constantin, l’Église a été progressivement assimilée à un bâtiment et à une réunion hebdomadaire. Cette vision n’était pas du tout celle des auteurs du Nouveau Testament. L’Église n’est pas un bâtiment, ni même une réunion.
Reconnaissons aussi que notre monde d’aujourd’hui traverse une mutation profonde. Dans une société où les institutions traditionnelles qui en assuraient l’ossature sont remises en question, les structures d’églises apparaissent souvent archaïques. Il y a un désir légitime de vivre des relations authentiques et profondes, désir renforcé par l’éclatement de la famille. L’église peut devenir famille d’adoption pour des individus blessés, malades, en recherche de sens, elle peut leur permettre de retrouver une raison d’être. L’expansion considérable de la vie associative prouve qu’il y a là un besoin auquel l’Église devrait être capable de répondre puisqu’elle est la “famille de Dieu”.
En observant combien la jeune génération se détourne des formes hiérarchisées et répétitives, Daniel éprouve un sentiment d’urgence. Ainsi anime-t-il un réseau de responsables qui veulent promouvoir une dynamique cellulaire en France. Un deuxième congrès sur la dynamique des cellules se déroulera à Valence le dernier week-end de novembre. (3)
Cette vision de l’Église peut même devenir un “tremplin pour l’unité”.
“Si les églises d’une ville comprenaient qu’elles se sont pas là pour elles-mêmes mais pour toucher la société, si en gardant leur spécificité, elles s’unissaient pour promouvoir la multiplication de ces petites familles dans tous les quartiers, jusqu’à ce que nos villes en soient remplies, ce serait une bénédiction extraordinaire, pour elles et pour tous”. Est-il permis de rêver qu’un jour, les responsables spirituels d’une ville se réunissent régulièrement pour prier pour leur cité, intercéder pour que l’Évangile y soit annoncé partout et œuvrer ensemble au développement d’une multitude de petites cellules qui formeraient une sorte de filet, un réseau d’amour prometteur d’une nouvelle “pêche miraculeuse”?
Avec Daniel Schaerer, ouvrons nos yeux, ouvrons nos cœurs. N’y a-t-il pas là une très grande espérance pour l’Église de Jésus-Christ?
Propos recueillis auprès de Daniel Schaerer par Jean Hassenforder.
St Paul Trois Châteaux (26)
(1) Ralph Neighbor: Where do we go from here? A Guidebook for the Cell Group Church. Touch Publications Box 19888, Houston Texas 77224.
(2) Pour que vivent les groupes de maisons (petite brochure écrite par D. Schaerer sur la dynamique des groupes, son fonctionnement). On peut se le procurer chez l’auteur: impasse St Vincent 26130 St Paul Trois Châteaux au prix de 25 F.
(3) Congrès sur la “Dynamique Cellulaire”, 23-25 novembre 2001. (renseignements à AUBE 2001, tél: 04 75 98 26 52).
Références: Témoins n°137 novembre décembre 2001