Une enquête sur les chercheurs spirituels
Au cours des dernières décennies dans de nombreux pays, notamment anglophones, on observe la montée d’une quête spirituelle qui s’accompagne d’un nombre croissant de recherches sur ce sujet.
En France, une question a été introduite à cet égard dans la dernière enquête sur les valeurs en Europe. 2/5 des français déclarent s’intéresser à la spiritualité (1). C’est un phénomène nouveau. Aujourd’hui, la spiritualité est souvent perçue plus favorablement que la religion. Et la quête spirituelle rompt également avec les préjugés rationalistes. Il y a bien là une transformation majeure dans la perception du sens de la vie. Chacun de nous peut percevoir la montée de cette approche dans les rayons des librairies, dans les magazines, sur internet.
Comment en savoir plus sur cette évolution ? Une enquête réalisée par Jean-François Barbier-Bouvet dans le cadre d’une équipe du GERPSF (Groupe d’études : recherches et pratiques spirituelles émergentes (Université de Strasbourg)) aborde la question en prenant comme objet d’étude les personnes fortement investies dans la recherche spirituelle à travers une forte fréquentation de stages et de sessions correspondant à cet univers. En analysant la composition, les pratiques et les représentations de ce groupe innovant, cette « enquête sociologique sur les chercheurs spirituels » nous instruit sur un courant qui est devenu une réalité socio-culturelle à laquelle cette étude confère une visibilité accrue. Cette recherche nous permet d’entrevoir une évolution profonde des mentalités qui concerne à la fois des groupes religieux établis de longue date et des milieux nouveaux qui apparaissent aujourd’hui. Cette évolution pose évidemment des questions dans le registre de la théologie. Voici une enquête qui concerne ainsi un public très vaste, à la fois le public des chercheurs concernés par la recherche spirituelle et tous ceux qui, au delà, perçoivent l’importance de cette évolution. On remerciera Jean-François Barbier-Bouvet et le groupe de recherche dans lequel il s’inscrit, non seulement pour la réalisation de cette recherche innovante, mais aussi pour la présentation accessible à tous qui en est faite à travers le document mis en ligne sur internet (2) et les articles éclairants sur le site de « La Vie » (3). Nous nous contenterons donc ici de mettre en évidence quelques données qui nous paraissent particulièrement significatives. Et ensuite nous esquisserons quelques pistes de questionnement.
Profil des chercheurs spirituels
Cette enquête se caractérise par son ampleur. En effet, à partir d’une relation avec plus de vingt centres, les chercheurs se sont adressés à une population considérable. Les questionnaires ont été envoyés à 50000 personnes ayant suivi un stage, une session, une formation depuis moins de 5 ans. Le taux de participation a été très élevé puisque 8000 réponses ont été reçues et 6000 retenues parce qu’ayant qualifié expressément leur démarche comme une démarche spirituelle. Ajoutons l’originalité des nombreux commentaires accompagnant les réponses aux questions.
Quel est le profil de ces chercheurs spirituels ? Certaines caractéristiques majeures ne nous surprennent pas, car en correspondance avec des observations assez partagées en France et en d’autres pays. Cette population est en majorité féminine : 76% de femmes et 24% d’hommes. Elle est également caractérisée par un niveau socioculturel élevé. 84% des participants ont effectué des études au delà du baccalauréat, 67% des études supérieures : Bac+3 ou 4, Bac 5 et plus. La proportion des personnes vivant seules est relativement élevée : 43,5% contre 54% vivant en couple. Moins attendue à notre sens, une constatation intéressante : une répartition géographique équilibrée où la région parisienne n’est pas dominante. Et par ailleurs, l’âge moyen est de 55 ans. Si les jeunes ne sont pas très nombreux, c’est le cas aussi pour les personnes au dessus de 70 ans. Près de la moitié du public se tient entre 50 et 64 ans. Jean-François Barbier-Bouvet commente ce résultat à la fois en terme de période sensible et d’une interrogation sur les effets de génération.
Le chapitre sur le positionnement religieux de ces chercheurs spirituels nous apporte un éclairage original. « Quelle est votre religion si vous en avez une ? » Voici donc la répartition : Catholiques : 42,5% ; protestants : 1,5% ; orthodoxes : 2% ; chrétiens sans appartenances particulières : 10,5% ; Au total : 62,5% de chrétiens. Et bouddhistes : 8% ; juifs : 1%, musulmans : 1,5% ; sans religions : 26,5% et religieux sans référence : 7,5%.
La participation chrétienne, à dominante catholique, est importante. Elle tient en partie au fait que les centres ayant participé à l’enquête, pour une part importante, se réfèrent à un catholicisme ouvert à la nouveauté. Il est ainsi possible de percevoir l’évolution des représentations de ce milieu. Notons une caractéristique qui n’allait pas de soi. Chez les catholiques, les « pratiquants » sont beaucoup plus nombreux que dans la population ordinaire : 50% vont à l’église au moins une fois par mois.
La proportion de personnes se déclarant bouddhiste est relativement très élevée : 8% et elle témoigne de l’influence du bouddhisme dans l’ensemble de ce courant.
Un autre enseignement est le recul des frontières confessionnelles. 6% des répondants mentionnent plusieurs religions. 7,5% s’estiment religieux sans référence précise. Surtout, on note la présence de 10,5% de chrétiens qui ne déclarent pas une appartenance particulière. La manière dont la question était posée permettait cette expression qui est contenue par la formulation de la plupart des enquêtes (4).
Les pratiques des chercheurs spirituels
Quels sont les centres d’intérêt les plus répandus ? Le rapport les énumère en détail. Parmi ceux qui se classent en tête, on note :
• Pratiques corporelles et énergétiques (yoga, qicong, reiki) 63%
• Méditation 59%
• Pratiques artistiques 47%
• Spiritualités chrétiennes 46%
• Développement personnel 41%
• Psychologie 36%
• Médecines alternatives 32%
• Spiritualités bouddhistes 30%
Il y a une demande massive pour les pratiques corporelles. « Elles sont une porte d’entrée essentielle vers l’intériorité et la recherche spirituelle ». Cette orientation témoigne d’une transformation profonde dans la manière de gérer sa vie. Et, comme l’auteur l’indique, il y a une double rupture : « avec une certaine tradition chrétienne et avec l’héritage des lumières ». La méditation ne peut, elle aussi, négliger le corps. Elle « ouvre sur un ailleurs de l’esprit ». L’intérêt pour les médecines alternatives renvoie à un horizon commun.
Les formations dans le domaine des spiritualités chrétiennes sont bien appréciées. C’est aussi une offre bien présente dans la plupart des centres où l’enquête a été effectuée. En regard, on pourra noter une demande soutenue dans le domaine de la spiritualité bouddhiste (30%) suivie par le chamanisme (18%) et la spiritualité hindoue. Aujourd’hui, les différents indicateurs indiquent une influence sensible du bouddhisme dans ces milieux bien au delà de sa présence dans la société française. 80% de cette population exprime un intérêt spirituel pour le bouddhisme.
Comment ces pratiques se répandent-elles ensuite dans la vie de tous les jours ? 71% de ces répondants pratiquent la méditation tous les jours ou une ou plusieurs fois par semaine. Le taux correspondant pour la prière est de 60%. Comme le note l’auteur, les chrétiens ont adopté la méditation et l’ont ajouté à la prière.
Les enquêtés sont nombreux à s’intéresser à plusieurs thèmes (40% : 5 et plus ; 36% : 3 ou 4). Parallèlement à la globalisation, il y a un élargissement des univers mentaux. La recherche se poursuit à travers la lecture. On lit beaucoup de livres et articles à même de « nourrir la vie intérieure ». (Souvent : 63% ; de temps en temps : 29%). Le contenu de cette littérature (périodiques et livres) est très varié et nous est rapporté en détail. Nous retrouvons dans ces listes des écrits répandus tout autant chez des personnes qui investissent peu dans des formations et des sessions. Un univers spirituel se dessine dans cette recension.
Les représentations des chercheurs spirituels
Ce chapitre ne s’appuie pas uniquement sur les réponses aux questionnaires. Il est nourri par de nombreuses expressions des participants et nous permet d’accéder aux représentations de leur vécu et de leur ressenti. Et ainsi, nous entrons dans la manière dont la spiritualité est conçue par ceux qui s’investissent dans cette démarche. Selon les participants de cette enquête, qu’est ce que la spiritualité ? En quoi consiste la vie spirituelle et comment se développe-t-elle ?
Dans l’univers anglophone où la distinction entre le spirituel et le religieux s’exprime depuis longtemps chez beaucoup de gens, l’expression : « spirituel, mais pas religieux » y est courante. A notre connaissance, pour la première fois en France, cette enquête analyse en profondeur cette question dans un milieu francophone bien placé pour y répondre. « La dissociation entre le spirituel invoqué par tous et le religieux invoqué seulement par quelques uns mérite qu’on s’y attarde ». Effectivement la démarche qu’on qualifie à la fois de spirituelle et de religieuse ne recueille que 24% des suffrages alors qu’une démarche spirituelle forte récusant la dimension religieuse réunit 34% des voix tandis qu’une démarche spirituelle modérée excluant la dimension religieuse obtient 20% des suffrages. Grâce aux commentaires des répondants, Jean-François Barbier-Bouvet développe une analyse très fine de cette divergence significative.
« Les démarches décrites par cette enquête s’inscrivent de moins en moins dans les formes du croire offertes par les religions institutionnelles ». Cette divergence entre religion et spiritualité s’exprime par des couples de mots comme « division-unité, fermeture-ouverture, institution-aspiration, contrainte-épanouissement, forme primitive-forme aboutie ». La religion apparaît comme un univers trop étroit, trop compartimenté. Cependant, il y a des différences dans les appréciations. « Pour les uns, la spiritualité s’oppose à la religion. Pour les autres, la spiritualité est un dépassement et un enrichissement de la religion, mais ne l’exclut pas ».
Ce rapport se poursuit par une analyse de ce que les participants attendent des propositions qui leur sont faites : Qu’attendons-nous personnellement des différents moyens que nous prenons pour avancer sur notre chemin intérieur ?
Là aussi, l’ordre des réponses est significatif. En effet, on trouve en tête deux mentions qui se complètent bien :
• Comprendre mon être profond, m’y relier : 71%
• Trouver un équilibre, m’unifier : 70%
On se reportera à cette liste où on trouve également :
• Vivre en plénitude à l’instant présent : 63%
• Etre à l’écoute dans un mode de relation plus juste aux autres : 59%
• Donner du sens à ma vie : 54%
• Etre à l’écoute de l’Esprit divin : 53%
Toutes ces données se relient avec d’autres, par exemple celles qui correspondent aux « dispositifs » qui peuvent favoriser la quête spirituelle ou bien les « obstacles rencontrés ».
Les résultats de cette enquête nous éclairent sur un phénomène socio-religieux, mais ils constituent également une ressource très riche pour ceux qui sont engagés dans une quête spirituelle.
L’enquête porte également sur les croyances de ces chercheurs spirituels. Elle aborde deux croyances essentielles : l’existence de Dieu et : qu’y a-t-il après la mort ?
75% de cette population croit en l’existence de Dieu (certain : 59% ; probable : 16%). Cette proportion est « nettement supérieure » à celle qu’on peut relever dans l’ensemble de la population française (autour de 50%). Cependant les répondants se partagent entre plusieurs représentations de Dieu :
• Une présence à l’intérieur de soi : 58%
• Une force, une énergie : 51%
• Un être, une personne : 17%
« Les deux formulations les plus appréciées sont assez loin des définitions traditionnelles dans le christianisme même si elles peuvent rencontrer certaines conceptions ». Cependant, il faut se reporter à d’autres termes très évocateurs évoqués dans les commentaires, ainsi : Amour, Vie, Le Tout, Conscience…, une riche moisson de significations.
« Qu’y a-t-il après la mort ? ». Les réponses se répartissent ainsi :
Survivance de l’esprit : 41%
Réincarnation : 26%
Résurrection : 25%
Quelque chose, mais je ne sais pas quoi : 26,5%
Rien : 2%
Très peu de gens pensent qu’il n’y a plus rien après la mort alors que dans la population française ce pourcentage est beaucoup plus élevé (autour de la moitié). Les croyances en la réincarnation ont été importées en France par les religions orientales, notamment le bouddhisme. On connait l’influence du bouddhisme dans cette population, mais cette croyance se répand au delà, jusque dans un milieu catholique. Dans quelle mesure une théologie chrétienne pertinente est-elle en dialogue avec ce milieu ? Au total, on est amené à s’interroger sur le cheminement des significations et des expressions.
Pistes de recherche
Cette enquête éclaire un champ jusque là peu connu. Elle rejoint des approches désormais familières dans la sociologie des religions. Elle interpelle également la théologie chrétienne en appelant une réflexion en réponse à l’évolution des mentalités.
Nous vivons à une époque de mutation et de brassage. En se dégageant pour une part des contraintes de tous ordres qui pesaient sur eux, les humains accèdent à davantage d’autonomie, de capacité de choix. A l’ère de la globalisation, les cultures se rencontrent et les frontières s’abaissent. Cette dynamique influe sur les représentations religieuses et suscite de profondes évolutions. La puissante montée de la quête spirituelle en est un bon exemple. L’enquête sur les chercheurs spirituels en France est un apport original dans la recherche qui couvre ce sujet à l’échelle internationale. Nous avons rapporté sur ce site les investigations du chercheur britannique, David Hay qui met en évidence une présence naturelle de la vie spirituelle dans différents contextes (5). Paru en 2004, le livre de Paul Heelas et Linda Woodhead : « The spiritual revolution. Why religion is giving way to spirituality ? » (6) nous paraît particulièrement important. En 2000-2002, Paul Heelas a réalisé une étude de terrain sur la vie religieuse à Kendal, une petite ville anglaise de 27000 habitants. Dans une rétrospective historique, il montre l’affaiblissement des églises classiques et, en regard, une montée spectaculaire des pratiques : corps, âme, esprit (mind, body, spirit activities) dans une perspective holistique. En Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, ces pratiques ont connu un grand essor au cours des dernières décennies depuis les années 1970. Paul Heelas voit dans cette évolution une expression spirituelle qui appelle un regard nouveau.
De fait, le paysage religieux actuel est en pleine évolution, et pour reprendre un terme aujourd’hui employé, en pleine recomposition. Cette recomposition se réalise dans des configurations différentes comme l’indique Louis Hourmant auquel Jean-François Barbier-Bouvet se réfère : « Trois sphères de la quête existentielle : le premier sous-ensemble correspond à une évolution qui se fait jour… au sein de groupes religieux institués généralement au sein de la matrice chrétienne comme par exemple les évangéliques ou le mouvement charismatique ». Le courant de l’Eglise émergente se situe en marge de cet ensemble. « Le second sous ensemble est nettement moins structuré sur le plan institutionnel et emprunte à la fois à la tradition chrétienne et à d’autre traditions religieuses et aux dimensions psychologiques de la transformation de soi. La troisième sphère de la quête existentielle correspond à des démarches qui sont plus de l’ordre de la recherche du mieux vivre, de la sagesse, de la philosophie pratique de « la vie bonne ». « Les frontières ne sont évidemment pas toujours aussi claires ou les démarches exclusives », ajoute Jean-François Barbier-Bouvet, « mais nous avons clairement centré notre recherche sue le deuxième groupe… ». C’est un groupe où l’interreligieux est fortement représenté.
Les résultats de cette enquête trouvent sens dans l’approche interprétative qui s’est progressivement élaborée à travers les travaux de « Françoise Champion, Danièle Hervieu-Léger, Yves Lambert, et J M Donegani, plus généralement du Croupe de sociologie des religions et de la laïcité (GSRL). De fait, ils s’inscrivent dans des concepts comme « l’individualisation du croire, la désinstitutionnalisation du sentiment religieux, le pragmatisme expérimental » On peut y ajouter la pluralisation des apports et des références dans les univers mentaux telle que nous le montre le sociologue Bernard Lahire dans : « L’homme pluriel ». Ces constats sont validés non seulement à travers les réponses aux questionnaires, mais aussi grâce à une expression des intéressés eux-mêmes.
Par rapport à d’autres enquêtes qui prendraient comme sujet l’interreligieux ou le Nouvel Age, cette recherche se distingue par un ancrage manifeste dans un contexte où le christianisme, et plus particulièrement le catholicisme sont très présents. Il y a là une situation spécifique qui est intéressante à bien des égards. Si, dans certains contextes chrétiens, on note une hostilité à priori vis-à-vis d’une approche holistique, ce n’est pas le cas ici. Cet exemple montre au contraire qu’il n’y a pas d’opposition à priori entre une approche holistique et la foi chrétienne. Cependant, plus généralement, comment ce milieu chrétien entre-t-il dans cette nouvelle approche du potentiel humain, et de surcroît dans une démarche interreligieuse ? Comment évolue-t-il dans ses représentations ? Et, au regard de la foi chrétienne, comment peut-il opérer un discernement ? Cette question s’adresse aussi à nous qui lisons cette enquête en dialogue avec tous ceux qui y ont participé. Quelles sont les approches théologiques aujourd’hui disponibles en ce domaine pour accompagner le discernement ? C’est une question majeure à laquelle on ne peut répondre qu’en suggérant quelques pistes.
Cette recherche met en évidence l’importance des allergies et des insatisfactions vis-à-vis du religieux, y compris dans le milieu chrétien. Ce constat ne nous surprend pas au regard du bilan international des recherches sur la pertinence des pratiques d’église. Cependant, l’opposition entre religion et spiritualité qui apparaît dans certains milieux, ne tient pas uniquement aux formes institutionnelles inadaptées du christianisme et tout particulièrement d’un catholicisme encore très hiérarchisé. Elle traduit sans doute également un sentiment d’étroitesse au niveau des enseignements. Il y a donc un besoin de réflexion théologique. Il y a bien aujourd’hui quelques théologiens qui réalisent une oeuvre pionnière en ce domaine. Chacun pourra, sans doute, évoquer tel ou tel nom. Pour nous, sur ce site, nous avons présenté « la théologie pour notre temps » (7) que Jürgen Moltmann, un grand théologien allemand, élabore depuis plusieurs décennies, en réponse aux questions des gens d’aujourd’hui.
A partir d’une solide assise biblique et évangélique, quel est le vrai visage de Dieu et donc le rapport que nous pouvons avoir avec Lui ? Y a-t-il encore un héritage des images impériales dans notre conception de Dieu ou bien croyons-nous un Dieu relationnel selon l’Evangile ? La transcendance de Dieu exclut-elle son immanence ou au contraire Dieu est-il présent également dans l’immanence, dans la condition humaine. A l’instar d’une relation où Dieu régnerait en maître, l’homme est-il amené à assujettir son corps et aussi la nature qui l’environne, ou bien est-il appelé à reconnaître la présence de Dieu dans tout son être et dans la nature ? Reconnaît-on la présence de l’Esprit-Saint uniquement dans l’Eglise ou, au contraire bien plus largement, perçoit-on l’Esprit de Dieu à l’œuvre aujourd’hui dans l’humanité et dans la création ? A la suite de la tradition platonicienne, l’homme est-il amené à considérer le salut comme un départ réussi de son âme hors de ce monde ou au contraire, dans la dynamique de la résurrection, l’homme est-il appelé par Dieu à participer en Christ à son projet de transformation et de recréation du monde ? Si la formulation de ces questions est plus ou moins adéquate, voire caricaturale, ce sont là des interrogations majeures. Bien entendu, les chercheurs spirituels sont eux-mêmes engagés dans une quête de sens qui est elle-même une recherche théologique. On le voit dans les commentaires détaillés qui nous sont rapportés. Cependant, nous savons tous par expérience, combien nous pouvons être aidés dans la réponse à nos questionnements par des propositions théologiques, qui, en conversation avec nous, viennent éclairer notre compréhension.
En fin de parcours, Jean-François Barbier-Bouvet s’interroge sur l’avenir de ce courant en fonction de l’évolution des connaissances religieuses dans les jeunes générations. Aujourd’hui, nous sommes plutôt au stade de l’oubli alors que demain l’ignorance serait dominante. C’est une question complexe. Cette enquête n’est pas seulement un apport majeur pour la sociologie des religions, c’est aussi, pour nous tous, un appel à la réflexion et au dialogue.
Jean Hassenforder
(1) Enquête sur les valeurs des européens (2008). 2/5 des français manifestent un intérêt pour la spiritualité. Voir sur ce site : « Emergence d’un nouveau paysage religieux en France. Croire sans appartenir. » : https://www.temoins.com/enquetes/lemergence-dun-nouveau-paysage-religieux-en-france-croire-sans-appartenir
(2) Jean-François Barbier-Bouvet. Les nouveaux aventuriers de la spiritualité. Enquête sur une soif d’aujourd’hui. Media Paul (à paraitre en aout 2015)
(4) « 5% des français se disent d’abord chrétiens. Une enquête du Monde des religions ». Sur ce site : https://www.temoins.com/jean-hassenforder-5-de-francais-se-disent-dabord-chretiens-une-enquete-du-monde-des-religions/.html
(5) « La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. Une recherche de David Hay sur la spiritualité aujourd’hui » : https://temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/.html
(6) Heelas (Paul), Woodhead (Linda). The spiritual revolution. Why religion is giving way to spirituality.Wiley, 2004. On pourra lire aussi l’interview de Linda Woodhead sur la nouvelle sociologie de la religion : http://www.socialsciencespace.com/2014/11/linda-woodhead-on-the-new-sociology-of-religion/
(7) Sur ce site : « Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de Jürgen Moltmann » : https://temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/ Voir aussi une introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/